18 March 2008

grandir, c'est mourir un peu...

Comme à chaque fois que je « dois » prendre une décision importante, j’y pense pendant longtemps, je tergiverse, je tourne et retourne la situation dans tous les sens, « est-ce vraiment ce que je veux, ce dont j’ai besoin…. » Et puis un beau jour, tout est limpide, simple et les étapes de préparation s’enchaînent sans heurt. Alors quand j’ai pensé pour la première fois à venir à Port-Blanc, et que je “savais” que je devais faire seule ce retour aux sources, ça a rendu la situation un peu plus compliquée, mais finalement sans grande conséquence…


Si au moment de la mort de Bonne-mam’ j’ai eu de nombreux « c’est la dernière fois… », cette fois ça a été beaucoup de « j’ai démarré ma route, j’y suis presque… ». Les larmes ont coulé alors que le train partait de London Waterloo, que le Ferry quittait le quai à Portsmouth, que je démarrait la voiture de loc’ à St Malo, que je passais le passage à niveau à la sortie de Guingamp, le panneau de Penvénan sur la route de Tréguier, puis dès la première inspiration à l’entrée dans la cuisine… Cette odeur, cette odeur… c’est la mer, l’humidité, les petits-déjeuners si tardifs que les grands préparent déjà le repas de « midi », le feu de bois, la terre, le vélo rouillé, le renfermé, le pain grillé du matin, le soleil qui souhaite la bienvenue à une nouvelle journée, la marée, le Chouen au fond du jardin, la vase, les crevettes, la pêche aux lançons à la pleine lune et grande marée, le poisson, les bonbons du fond de l’armoire et ceux qui remplissent la soupière, les bottes qui s’alignent sous la fenêtre, les bonjours à la cantonade… cette odeur, c’est tout ça à la fois, et plus encore !

A Dieu Vat, c’est le nom de la maison, c’est « chez moi ». C’est un retour aux sources familiales bien sûr mais surtout, surtout, un retour à l’intérieur de moi-même. Comme si chaque petite (ou grande) action faite dans ce lieu et ses alentours – être assise sur un banc passé le sillon de l’île aux femmes pour profiter du coucher de soleil, me cuisiner un maquereau, une promenade sur les rochers de Trestel à marée descendante, un retour au Gouffre même à marée descendante et par vent d’ouest (je savais que ça ne « sauterait » pas), un aller/retour tout au bout du sillon de Talbert, une excursion à Ploumanac’h – est une nouvelle porte ouverte dans mon chez moi intérieur, une autorisation à être, à sentir, à écouter, à entendre, à découvrir, à connaître, à aimer, à vivre… Paradoxalement, quand une porte est ouverte, il n’a plus moyen de faire marche arrière et mon corps le sent et le sait. Une petite part d’innocence s’envole et rapidement n’est plus. Et les larmes coulent. Et chaque larme versée est une petite mortde ce qui fut mais n’est plus, car j’accepte de grandir, de prendre la place qui est la mienne dans cette vie qui se dessine tous les jours avec un peu plus de clarté. Oh c’est sûr, il y a toujours une voix qui fait tout pour m’empêcher de grandir et elle a bien failli réussir, « n’y vas pas seule, les soirées vont être longues et un peu lugubre dans cette grande maison que tu as toujours connue pleine, en été… ». J’ai fini par succomber à cette voix et soumis l’invitation à deux amis, l’un après l’autre, mais elle n’a pas eu gain de cause, mes amis ne pouvaient venir !

Il devait être écrit quelque part dans l’univers que je devais faire ce pèlerinage seule… L’heure de laisser une partie de mon histoire derrière moi avait sans doute sonné !

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